Toute cette dialectique de l’accommodement de l’œil et de l’esprit qui s’acharnent à saisir pour aboutir, avancent et reculent, est évidemment métaphorique de l’acte pictural. On a aussi le sentiment, avec cette nouvelle couvée, d’une forme d’apaisement, dans l’iconographie comme dans l’écriture. D’une sorte de temps de pause dans ces pèlerinages du fond des âges, ces émigrations, ces transhumances.

L’intensité de la matière picturale contraste avec l’évanescence des figures, l’impromptu de l’écriture. Flou et véhémence d’une image toujours à construire et pourtant bien présente, elles suscitent une persistante impression de déjà-vu, qui joue dans le charme des œuvres. Leur contemporanéité est réelle, tout entière dans cette façon de surfer sur les grands sujets, de les réécrire dans un double mouvement de désir et d’éloignement 

Danièle Gillemon, Le Soir, 2010

Pour Bern Wery, dessin rime avec prolifération. Ce que la peinture révèle progressivement dans la construction des lumières, le dessin le donne de manière plus vive. Parfois violente. Déduit de l’écriture automatique, le trait gravite sur le papier, le griffe, l’excite. Il ne cherche pas à se former en récit ni même à composer un langage. Il tient du surgissement et de l’instinct. Si son devenir traduit l’instant, sa présence trahit une nervosité qui appelle un perpétuel recommencement. Le crayon trace. Il opère comme un révélateur photographique : instantané de la réalité qui se fane aussitôt qu’il s’inscrit à fleur de papier. Son mouvement relève de la fulgurance sans pour autant investir l’étendue. Le papier lui semble interdit. Par un travail de cloisonnement qui en comprime l’expansion, Bern Wery maintient chaque geste à l’intérieur d’un périmètre qui l’isole en tableau. Ainsi le papier se fait cimaise : il accueille autant de tableaux fermés sur eux-mêmes. Juxtaposées, rapportées les unes aux autres dans l’équilibre de leurs lumières et de leurs couleurs, ces vignettes racontent l’instant. Elles témoignent de l’intérêt du peintre pour les peintures des maîtres anciens qu’il a longtemps copiées. Sans céder au jeu de la citation, Bern Wery a conservé la mémoire de ce passé stratifié en musée, de cette tradition déclinée en sections, périodes, écoles, artistes… Rendu à l’automatisme de l’esprit, le passé s’est mué en impulsion. Il déclenche un travail de mémoire auquel se mêle le rêve. Celui-ci démultiplie le sens, joue d’analogies, s’égare en dérive. Sur le mode de l’image atomisée en pixels, l’artiste compose sa propre vision de l’histoire de l’art : une immense casse d’imprimerie où chaque case abrite une émotion, où chaque image se fait instantané, où chaque sensation aspire à renaître dans une nouvelle image, où rien n’est oubli. Où reste perpétuel recommencement. »

Michel Draguet, Chemin de Lecture, Quartiers latins, 2004

Pourtant, à y regarder de plus près, l’impression d’« autrefois » s’évanouit. Un mirage plutôt qu’une réalité. Les figures, les objets – leurs ersatz – sont brossés en toute liberté et se réduisent à quelques… confettis, traits hâtifs, allusifs. Vu de très près; le tableau se défait. D’un peu plus loin, il se recompose. Tout est dans le regard. Ce qui compte, c’est le mouvement d’ensemble, la manière d’enlever le morceau et de créer l’illusion. Sorte de jeu avec la peinture.

Danièle Gillemon, Le Soir, 2004

La dialectique de dispersion-concertation des formes et des couleurs exprime l’existence d’une force qui unifie les éléments et les hommes dans un seul but. Ces gens communiquent avec les puissances célestes, les habitant des cieux qui sont toujours présents pour le leur montrer le chemin. Les colonnes de lumière créent des courants ascensionnels à travers lesquels ces êtres circulent, dialoguent et s’efforcent pour attirer l’attention.

Ruben Forni, 1992

L’attente dure ce qu’elle veut. Puis vient le moment fatidique: entre la durée et la foudre, l’action se précipite soudain, comme quelque savant solution chimique sous l’effet d’un catalyseur. Luc Delisse, in Bello,

Regard sur la Wallonie, Nov 1988